Vera-Veronika Vassilievna
Abegg-Veriovkina
 
 
Que sait-on de notre aïeule (ou bi ou trisaïeule pour certains d’entre vous).
 
1872 – Vera-Veronika naît à Kaunas (Kovno à l’époque) le 28 Janvier dans une Lithuanie qui a perdu son nom depuis 1795 pour n’être qu’une partie des « Provinces Occidentales » de la Russie, le Tsar en étant toutefois le Grand Duc. On ne sait pas depuis quand cette branche des Abbeg ou Abbegg ou Abegg d’origine allemande était installée en Lithuanie, par contre on sait que notre mère avait des cousins Abbeg à Königsberg, ex Prusse Orientale, ex Lithuanie Mineure, aujourd’hui enclave russe de Kaliningrad. Comment accepter que les grandes puissances puissent décider de distribuer des terres, lithuaniennes depuis des millénaires, à la Russie.
 
1898 – Date supposée du mariage de Vera-Veronika avec Vsevolod Vladimirovitch Verevkine. Marianne dira de son frère Vsevolod « qu’il aimait beaucoup sa femme et faisait tout pour l’avoir ».
 
1899 – Naissance de leur premier fils Nikita qui entrera à l’Ecole des Pages, l’école la plus renommée de Saint Petersbourg et où n’étaient admis que les fils ou petits fils de généraux.  Il fut ensuite Cadet dans la Garde du Tsar puis il entra dans le célèbre Régiment Preobrajenski où il gagna ses galons d’officier. (C’est dans ce régiment que son oncle le Général Pierre Verevkine, futur gouverneur en Lithuanie devint l’ami intime du Tsar Nicolas II). En 1917 au début de la Révolution d’Octobre, le régiment Preobrajenski fut dissout, alors Nikita rejoignit l’Armée Blanche pour participer à la lutte contre le communisme. Courrier du Tsar il fut capturé et massacré par les communistes à un retour de mission en  Crimée où il avait été porteur de documents secrets, (il fut martyrisé, eut les yeux crevés et finalement fut fusillé). Son corps n’a jamais  été retrouvé. Sa mère Vera fit de lui en 1917 un portrait posthume, portrait qui est aujourd’hui la propriété de mon frère Michel.
 
1902 – Naissance le 12 Août d’Elisabeth (notre mère) à Kaunas. Jusqu’au départ de la famille Verevkine pour Saint Petersbourg en 1914  pour fuir l’invasion allemande qui détruisait tout sur son passage, Elisabeth a fréquenté le lycée de Kaunas. Arrivée à Saint Petersbourg elle fut admise à L’Institut Smolny, réservé aux filles et petites filles de généraux. Cet Institut aussi dénommé selon ma sœur Irène : Institut de jeunes filles nobles « Sainte Catherine » était placé sous le haut patronage de l’Impératrice mère et dans la garde personnelle de laquelle un certain Georges Gochtovtt était officier. C’est ce Georges Gochtovtt qui émigré en France écrivit l’histoire de notre famille depuis la création du Grand Duché de Lithuanie au début du XIII° siècle, jusqu’à environ la moitié du XVI° siècle, époque à laquelle les Gochtovtts cessaient d’occuper des postes éminents dans la conduite des affaires du Grand Duché. C’est une famille rivale, les Radvila’s (Radziwill en polonais) qui s’empara des leviers : chancellerie, clergé, hetmanat, etc.…
Alors qu’elle s’apprêtait à entrer en classe de chant à l’opéra de Saint Petersbourg (maman avait une très jolie voix), la famille Verevkine dû fuir vers Moscou, la révolution qui venait d’éclater dans la capitale. Lénine  profita des vacances d’été pour établir son quartier général justement dans cet Institut Smolny.
 
1907 – Naissance de Nicolas (Nika), le troisième enfant de Vera et Vsevolod, le 29 Septembre. Déjà à cette époque les relations entre Vera et Vsevolod étaient très tendues, et maman qui adorait ses parents en a beaucoup souffert.
Sont-ce les relations de Vera avec son professeur de peinture Illja Repine (le chef de file des célèbres peintres dit « Ambulants »), dont elle fut l’élève, le modèle (un portrait d’elle par Repine existe à la Galerie Trétiakoff de Moscou), et sans doute aussi la maîtresse (leur correspondance dura jusqu’en 1929, soit un an avant le décès du Maître), ou les relations amoureuses de Vsevolod avec Madame Bourg, la gouvernante des enfants, qui pourraient n’être qu’une conséquence de ce qui précède. Toujours est-il qu’Irène fille de Vsevolod et de Madame Bourg naquit le 24 Février 1908. On peut imaginer que c’est à cette époque que Vera et Vsevolod se séparèrent définitivement. (Irène mariée à un Sokolsky a une descendance qui perdure aux USA).
Marianne la sœur de Vsevold se fait l’écho, dans ses œuvres écrites, des récriminations de ce dernier qui lui signalait les sommes considérables dilapidées par Vera.
 
1909 – Vera et les enfants habitent à Kaunas Girsha Michelson house, rue Novobazarnaja (aujourd’hui ce serait au 23 rue  S.Daukanto), bien que Vsevold lui ait offert le Domaine de Pazaislis (Pajasliai), prés de Kaunas sur les bords du fleuve Niémen, juste en dessous du monastère du même nom. Dans les années 50 les soviets ont construit un barrage hydroélectrique sur le Niémen, noyant le domaine de Vera. Seul le monastère de Pazaislis tombé en ruines pendant l’ère communiste et aujourd’hui en cours de restauration domine le lac artificiel de Kaunas.
 
1910 – Vera accompagne son fils Nikita de santé fragile en cure à Merano, province de Bolzano dans le Haut Adige (Italie). A l’occasion de ce voyage Vera a rendu visite à sa belle sœur Marianne, peintre comme elle, et qui vit à Munich avec son compagnon Alexeï Jawlensky depuis 1898.
C’est également en 1910 que Vera et Nikita séjourneront quelques temps à Blagodat alors que Marianne et Alexej Jawlenski y travaillent ensemble dans l’ « Atelier ». Jawlenski en profitera pour faire un portait de Vera et un autre de Nikita. Ces deux portraits sont exposés en Allemagne le premier à Emden et le second à Wiesbaden.
Depuis sa séparation d’avec son mari Vera voyage beaucoup accompagnée de Nikita.
 
1913 – Les bâtiments du Domaine  de Mazeliskiai que Vsevolod avait reçu en héritage à la mort de son père, le Général Vladimir Verevkine, Gouverner de la Forteresse Pierre et Paul de Saint Petersbourg,, sont totalement détruits par le feu, suite à une négligence, ils ne seront jamais reconstruits.
Le Général Vladimir Nicolaievitch Verevkine (14.7.1821-13.1.1896) s’est installé à  Vyzuonelese (Blagodat), prés de la ville d’Utena en Lithuanie de l’est en 1879. Par la suite il y a possédé les domaines de :Vyzuoneles, Mediniai et Mazeliskiai ainsi que la forêt de Skaistasilis et le lac de Lukuo.
Pierre le fils aîné hérita de Vyzuoneles, Vsevold mon grand père hérita de Mazeliskiai, le reste fut certainement vendu pour doter très largement Marianne sa fille aînée, peintre elle émigra en Allemagne (Munich) à la mort de son père, puis plus tard elle s’installa en Suisse (Saint Prex sur le Lac Léman et enfin à Ascona sur le Lac Majeur où elle vécu de 1918 à 1938.
 
1914 – La première guerre mondiale éclate, les Allemands envahissent la Lithuanie où la ligne de front s’installera pour un long temps et Vera et ses enfants fuient pour Saint Petersbourg.
 
1916 – Le peintre russe Repine réalise un portrait de Vera Veronika Verevkine. Ce portrait est exposé à la Galerie Trétiakoff de Moscou.
 
1917 – La révolution soviétique éclate à Saint Petersbourg et de nouveau Vera et ses deux plus jeunes enfants, Elisabeth et Nicolas, doivent fuir pour s’installer un temps assez court à Moscou où la révolution les rattrapera. Nikita quant à lui est engagé dans la lutte anticommuniste. Les Verevkines connaîtront une vie très difficile et la famine.
 
1918 – La guerre est finie, et bien que les Allemands battus ne quittent pas immédiatement la Lithuanie le retour y est possible.
Le domaine de Pazaislis comme le reste de la Lithuanie est ruiné, les Allemands ayant tué le cheptel pour se nourrir, détruit les arbres des vergers pour se chauffer. C’est la désolation, d’autant plus que la guerre va reprendre contre les soviets, les Bermontais, les Polonais et que le nouveau gouvernement lithuanien va lancer des réformes dont la réforme agraire de 1923 qui va rendre très peu rentable les anciennes grandes exploitations.
Vera va essayer de lancer une usine de fabrication de briques et de tuiles mais sans succès, pourtant les besoins en matériaux pour la  reconstruction du pays  font défaut. Dans ce domaine les Korewa famille liée aux Gochtovtts réussira dans ce type de production.
 
1922 – Au début des années 20 (la date n’est pas connue avec précision) Vera fait le grand saut et s’installe en France confiante dans son étoile de femme d’affaire (ce qu’elle n’est hélas pas). Elle achète le Pech de Gauvet à Saint André d’Allas, prés de Sarlat, qu’elle croit être une propriété agricole de rapport, ce en quoi elle se trompe grandement.
 
1923 – Elisabeth se marie en Lithuanie avec Kazys (Kazimieras)  Gostautas officier dans l’armée lithuanienne qu’avec son frère le Major (Commandant) Henrikas et un de ses amis très proche le Major Kazimieras Buterlewicz il a participé à créer comme « Volontaire » sous les ordre du Général Silvestras Zukauskas. Cette armée lithuanienne est créée par un décret du 23.11.1918 signé par le premier ministre AugustinasVoldemaras.
 
1924 – C’est vraisemblablement cette année là que mon grand père Vsevolod Verevkine disparaît en Russie dans la tourmente révolutionnaire. Sa seconde épouse parviendra cependant à rejoindre les USA, accompagnée de sa fille Irène.
Cette même année, Elisabeth  vient en France pour être prés de sa mère à l’occasion de la naissance de son premier enfant, il s’agit de mon frère Michel né le 23 Mai 1924.
Pour joindre les deux bouts Vera prend en charge comme pensionnaires des amis émigrés russes,  mais la plus part n’ont pas de ressources et sont ainsi hébergés aux frais de la princesse. Ainsi vivent au Pech de Gauvet en plus de Vera et de son fils Nicolas : Gadon Sigismond et la famille Zuban : André, Alexandra et leur fils Nicolas.
 
1925 – En fin d’année ou au début de 1926 Elisabeth et Michel rentre en Lithuanie et vivent quelques temps à Milvydai au milieu de la famille des Gochtovtts. Michel sera baptisé à l’église orthodoxe de Kédainiai.
Le régime politique est instable, les chrétiens-démocrates au pouvoir en juin 1924 sont renversés par des partis de gauche lors des élections de mai 1926. Les options prises ne plaisent pas à papa qui quitte l’armée.
Maman qui adore sa mère et connait les difficultés dans lesquelles elle s’enlise, pense sans doute que papa s’il acceptait d’émigrer pourrait peut-être sauver le Pech de Gauvet de la faillite. A-t-elle fait miroiter à papa la belle vie qu’ils pourraient mener en France, toujours est-il que la décision d’émigrer est prise.
 
1926 – Papa vend la part de propriété dont il a hérité de ses parents, part rectifiée et réduite par la réforme agraire de 1923 et le 22 Décembre 1926 papa, maman et Michel entrent définitivement en France, sans doute ne le savaient-ils pas encore à l’époque. Arrivé en France avec un passeport lithuanien portant la mention : Kazys Gostautas, il sera enregistré en France comme étant : Casimir Gochtovtt (selon la version russe de notre nom lithuanien).
 
1931 – L’association Vera-Casimir n’étant pas équitable, sera un fiasco total, Vera ne voulant se dessaisir d’aucune de ses prérogatives de manager. Entre 1926 et 1931 sont nés chez les Gochtovtts : Jean (26.12.1927), Pierre (25.6.1929)-c’est bibi l’auteur et Irène (6.7.1931).
Non seulement papa engloutira la fortune qu’il avait ramenée de Lithuanie, mais Vera dilapidera sans vergogne l’héritage que ses enfants tenaient de leur père Vsevolod.
 
1932 – Il est probable que c’est cette année là que Vera a été contrainte de vendre le Pech de Gauvet à la famille Panier qui peu de temps après le revendra à la famille de Ségogne dont les descendants en sont toujours propriétaires..
Vera se serait un temps installée à Nice où elle aurait ouvert une pension de famille
Nicolas étant un polyglotte remarquable, il parlait onze langues, trouve un emploi à la CGT (Compagnie Générale Transatlantique) dont le bureau de Passage dirigé par Monsieur Lazet est à Bordeaux  au 1 Cours Xavier Arnozan et le siège au 271 avenue Thiers en prolongement du Pont de Pierre.
Vera et Nicolas habiteront quelque temps au 27 ( ?) rue du Jardin Public, c’est là qu’avec maman et ma sœur Irène nous leur avons rendu visite pour un Noël orthodoxe, je n’avais alors que 4 ou 5 ans.
 
1935 – Vera réussit à marier son fils Nicolas avec une Finlandaise, qui a disparu vers son pays d’origine le lendemain du mariage et n’a jamais réapparu. Ce mariage auquel a assisté mon cousin Konstantin Artzibushev, il avait 15 ans à l’époque, s’est déroulé dans le domaine de Pazaislis, sur un grand tralala. Cela reste un mystère pour moi. Vera était en France depuis les années 20. Dans les années 30 elle était ruinée, et voila qu’elle marie son dernier enfant en Lithuanie. Est-ce un coup de bluff, aurait-elle emprunté ce domaine pour éblouir sa belle fille ???, ou en était-elle encore propriétaire ???
 
1940 – Les Allemands arrêtent l’activité de la CGT et voila que Vera et Nicolas s’installent à Paris prés de la Porte Saint Cloud au 8 rue de la Petite Arche.
Nicolas interprète trouvera du travail à la Société les « Beaux Voyages » 14 Boulevard Montmartre dont le Directeur était propriétaire du journal « Images du Monde » qui fusionnera plus tard avec « Point de vue » pour devenir « Point de Vue Images du Monde ». Ce journal peut-être sous un autre nom existe toujours et comme autrefois continue à  s’intéresser  aux Grands et Nobles de ce monde : Rois, Princes et Princesses et Jet Set….
 
1953 – Le 24 Octobre Vera et son fils Nicolas seront les seuls avec ma sœur Irène à venir assister à mon mariage avec Denise. En partant en voyage de noce nous les déposeront à Paris.
Quelques années plus tôt alors que je rentrais tout juste dans la vie active je lui avais payé  son  opération de la cataracte que ses moyens ne lui permettaient de s’offrir. Maman m’avait dit : Tu es le seul à pouvoir le faire.
 
1954 – Nicolas atteint d’une grave maladie du cœur viendra se reposer  à la ferme chez  sa sœur (maman) à Lassagne, Saint André d’Allas prés de Sarlat en Dordogne, où il décèdera le 22 Décembre 1954..
Seule et sans ressource Vera intégrera la Maison de retraite du « Prompt Secours », 18 rue Jean Jaurés à Gagny-Seine et Oise à l’époque.
Sa santé se dégradant rapidement, Vera a prés de 88 ans, elle sera admise dans une autre Maison de Retraite à Clermont dans l’Oise. C’est là que pendant l’hiver 1959-1960 j’irai avec maman la chercher pour la ramener à Saint André où papa acceptera de l’accueillir malgré le pénible contentieux qu’il y a eu entre eux. Deux caractères entiers se sont opposés provoquant une descente aux enfers pour tous les deux, papa s’en est sorti mais hélas pas Vera.
 
1960 – Vera-Veronika Vassilievna Abbeg-Veriokina  décédera chez sa fille Elisabeth le 30 Mai 1960. Elle est inhumée dans le cimetière de Saint André au coté de son fils Nicolas, sa fille Elisabeth et de papa, le seul catholique, qui accepta de reposer sous une croix orthodoxe.